SolidSail/AeolDrive : le premier grand mât en carbone prêt à être érigé à Saint-Nazaire Par Gaël Cogné - 13/12/2022
C’est un monstre bleu né au cœur de l’écosystème de la course au large morbihannais. Soixante-six mètres de haut, plus de 2 mètres de large, 20 tonnes de
carbone et 2 tonnes d’accastillage : le premier mât SolidSail finalisé dans le vaste atelier de SMM Technologies au Rohu, à Lanester, pour les Chantiers de l’Atlantique, est l’un des plus
grands au monde. Il est particulièrement solide, capable sans haubans (mais avec un étai, voire des bastaques), de porter les 1500 m2 de voile rigide SolidSail (environ 450 m2 de foc et 1050 m2
de grand-voile) par 35 nœuds de vent. Il est si grand qu’on tient debout à l’intérieur. Bref, « un objet absolument exceptionnel », souligne Laurent Castaing, directeur général des
Chantiers de l’Atlantique, y voyant une « étape majeure pour notre stratégie de la mise en place de la propulsion vélique ».
Installation imminente Ce géant doit prendre la route dans la nuit du mercredi 14 au jeudi 15 décembre pour rejoindre Saint-Nazaire. Il aura d’abord fallu démonter une partie du bardage du hangar pour le faire sortir avec une plateforme automotrice jusqu’au pont du Bonhomme. Il sera ensuite remorqué par un camion, comme pour les pales d’éoliennes. Le convoi devra faire un crochet par Nantes compte-tenu de ses dimensions qui ne lui permettent pas d’obliquer directement vers l'estuaire de la Loire par la route. Là, il sera stocké pendant les fêtes. Et, si la météo le permet, il sera érigé le 10 janvier par une très grande grue sur la base à balestron qui a été légèrement modifiée après avoir déjà servi à tester un démonstrateur d’une hauteur de 37 mètres installé en octobre 2021. La grue soulèvera la tête de mât par les estropes de bastaques avec des élingues, à 100 mètres au dessus du terre-plein. Ainsi, le prototype à échelle 1 sera complet pour les dernières vérifications de son comportement et achever son développement.
Plus tard, ce mât sera installé sur le premier navire équipé de cette nouvelle technologie. Destiné à des paquebots dans le cadre du projet Silenseas, mais pouvant aussi équiper des cargos, le système combine le gréement à balestron AeolDrive, pouvant pivoter à 360 degrés et inclinable à 70 degrés pour permettre le passage sous les ponts, à une voile rigide SolidSail constituée de panneaux en composite se repliant les uns sur les autres lorsqu'elle est affalée. Un ensemble intégré voile et gréement pour aider à propulser des navires, réduire leur consommation de carburant et donc leurs émissions. Son développement a déjà coûté 25 millions d’euros. Un mât en composites Pour des raisons de poids, le mât a été fabriqué en matériaux composites. Les Chantiers de l’Atlantique ont dû s’adresser à des spécialistes début 2020. Cinq champions des matériaux composites de la « Sailing Valley » du sud Bretagne se sont réunis au sein du consortium « Très grand mât carbone » pour pouvoir mener ce projet d’envergure : CDK, Lorima, Multiplast, Avel Robotics et SMM. Les trois premiers ont fabriqué, chacun, deux demi-coquilles. Assemblées, les demi-coquilles forment un tronçon d’une vingtaine de mètres. A elles trois, les entreprises habituellement concurrentes ont donc produit six demi-coquilles pour faire trois tronçons. Une formule qui a permis de produire les pièces en parallèle. Chaque pièce a pris environ 10 mois et il a fallu compter 4 mois d’approvisionnement, explique Nicolas Abiven, ancien coureur au large et ingénieur responsable du développement SolidSail aux Chantiers de l’Atlantique.