Aliağa, l’enfer de la pollution

Publié par Naz Oke | 12 Mai 2016 | ActualitéZAD Turquie

Le 15 mai prochain, un meeting anti-énergies fossiles, Break Free 2016, se déroulera simultanément dans plusieurs pays. Le volet turc, se passera sous la banderole “Débarrassons nous du charbon !” à Aliağa, région industrielle ultra polluée.

Les membres des organisations de société civile qui luttent pour l’environnement, ont effectué une visite technique à Foça-Aliağa. Les visiteurs ont pu confirmer encore une fois, l’immensité de la destruction écologique commise dans cette région.

Les activités qui se poursuivent ici, sans aucune précaution de sécurité pour la santé publique, sans aucun mécanisme de contrôle et d’observation, ni prenant compte de la sécurité et de la santé au travail, sont les mêmes que toutes celles qu’on trouve dans les régions du monde où le capitalisme industriel envoie ses “déchets” de consommation, ses rebuts programmés, ses objets obsolescents, petits et grands, de la “croissance”. C’est un système “circulaire” qui fait croire ici au “recyclage vert et vertueux” et là-bas tire profit des pays à bas coût de main d’œuvre. Autant dire que ce “capitalisme vert” là, fonctionne avec les mêmes logiques financières et les mêmes conséquences sociales et écologiques, sur le même fond de division du “monde”…

 

Aliağa 2012

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Autant d’installations polluantes cumulées dans cet endroit représente un danger public à la hauteur d’une centrale nucléaire potentiellement “explosive”. La pollution générée dans cette région, affecte l’air de la majorité d’Izmir et atteint même les rives lointaines du golf.

C’est un ensemble monstrueux, qui empoisonne en continu l’environnement, les habitants et la nature. L’air, la mer, l’eau sont imbibés de chimiques toxiques et l’écosystème est profondément détérioré.

Cette région, qui était un petit paradis, avec ses eaux turquoise, ses phoques, ses oliveraies, avec sa nature typiquement égéenne, avec la ville antique Kyme, est morte à jamais.

 

Démantèlements dangereux

Les installations de démantèlement sont avec les usines de fer et d’acier, les plus destructrices, car il s’agit d’une activité qui nécessite la manipulation des matières et produits hautement nocifs et toxiques.

Notons que nous avons pu accéder très difficilement sur les sites de démantèlement de bateaux. Avec insistance et détermination, ils nous ont autorisés, mais seulement jusqu’à une certaine distance.

 

La santé des ouvriers

Le Président des Industriels du recyclage de bateaux Adem Şimşek donne quelques renseignements aux visiteurs. Il y a au total 22 installations de recyclage et 1200 ouvriers y travaillent. Les ouvriers n’ont pas de syndicat. Selon Adem Şimşek, les ouvriers “n’en veulent pas”. De toutes façons ici, tout le monde, les employés et les employeurs sont de mêmes familles ou au moins du même village. Les ouvriers ne sont pas formés avant de commencer à travailler, et leur statut d’ouvrier passe du père au fils.

Le Président a rassuré les visiteurs, en déclarant que dans la région, des contrôles et mesures sont effectués régulièrement et que jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de résultats inquiétants.

Pourtant, la presse dit le contraire. Par exemple en 2015, nous apprenions par les médias, qu’un bateau géant de 113 tonnes, nommé Kuito, provenant d’Angola allait être démantelé sans aucune étude préalable de radioactivité. Et que seulement après les contestations des défenseurs de la nature, le tribunal a décidé d’arrêter les travaux… Une décision d’ailleurs rendue bien après la fin des travaux.

Cet exemple est confirmé par l’avocat d’EGEÇEP, Arif Ali Cangı qui a souligné que le démantèlement de ce bateau avait provoqué une sérieuse pollution nucléaire.

Nous ne savons pas combien d’ouvriers souffrent de maladies professionnelles ou en meurent tous les ans. Mais il n’est pas difficile de deviner que les travailleurs qui subissent des hauts taux de radiation et des produits chimiques ne doivent pas avoir une santé de fer. 

 

Le sale boulot de l’Europe et du Moyen-Orient

 

Comme l’Europe et le Moyen Orient (partie Golfe) ne veulent pas de recyclage sur leur territoire, le boulot dangereux est fait par les ouvriers de l’Indonésie, Chine, Pakistan, Inde et… de la Turquie. Les poubelles du monde avec main d’œuvre à pas cher.

 

 


Démolition des navires : la Turquie signe la convention de Hong Kong

Publié le 01/02/2019 17:08 | Mis à jour le 04/02/2019 09:12

La Turquie est le septième État à avoir ratifié la convention de Hong Kong de 2009 instaurant des standards internationaux pour la démolition des navires. Une signature hautement symbolique.

Avec ses chantiers d’Aliaga, près d’Izmir, la Turquie figure au cinquième rang mondial dans le recyclage des navires et devient du même coup le premier dé constructeur à ratifier cette convention, considérée comme une étape majeure pour la protection de l’environnement et des ouvriers.

Sur un plan pratique, la signature d’Ankara signifie que la convention de Hong Kong est désormais à mi-chemin de son entrée en vigueur qui nécessite de remplir trois critères : la signature de 15 États, un poids de navires équivalent au moins à 40 % de la flotte mondiale (20 % actuellement) et un volume de navires démolis sur dix ans équivalant au moins à 3 % de la flotte des États signataires (0,82 % actuellement). Si Panamá figure parmi les sept États signataires, beaucoup de poids lourds du transport maritime mondial manquent encore à l’appel. Un constat valable dans les pavillons de complaisance (Libéria, îles Marshall et Bahamas), comme dans les grands États maritimes (Grèce, Japon, Chine).

 

90 % de beaching

 

Pour l’heure, 90 % des grands navires marchands sont démolis à même la plage dans les chantiers du sous-continent indien selon la pratique d’échouage volontaire dite du beaching. C’est ce que rappelle le bilan 2018 de la coalition d’ONG Shibreaking platform. Sur les 744 navires envoyés à la casse l’an dernier, 518 ont échoué sur les plages d’Alang (Inde), Chittagong (Bangladesh) et de Gadani (Pakistan) : 69 % en nombre de navires, mais 90,4 % en volume.

Le bilan humain n’est guère reluisant, au moins 34 ouvriers indiens, bangalais ou pakistanais décédés en 2018. Au palmarès du bonnet d’âne décerné par les ONG, les Émirats arabes unis, la Grèce et les États-Unis sont largement en tête avec respectivement 61, 57 et 53 de leurs navires marchands envoyés à la casse dans le sous-continent indien.

 

Frédérick AUVRAY