Publié le 21/05/2021 par Vincent GroizeIeau

 

 Après bientôt quinze mois d’arrêt quasi-complet suite à la pandémie, l’industrie de la croisière se prépare à une reprise sensible cet été. Une bouffée d’oxygène pour le secteur, qui emploie des centaines de milliers de personnes à travers le monde et traverse la pire crise de son histoire. Mais les défis sont encore nombreux avant de pouvoir retrouver le rythme d’avant mars-2020. L’industrie doit toujours composer avec les incertitudes du Covid et les restrictions toujours en vigueur dans les déplacements internationaux, pour ses clients comme ses personnels. Alors que la crise sanitaire aura forcément un impact sur les plans d’investissements des compagnies, et donc les commandes dans les chantiers navals, l’industrie de la croisière doit en même temps répondre aux enjeux environnementaux. Deux défis majeurs qui viennent se télescoper dans ce qui constitue maintenant une période charnière pour l’avenir de cette industrie. Patron de la compagnie italo-suisse MSC Cruises, Pierfrancesco Vago a été nommé peu avant la crise Président Monde de l’association internationale des compagnies de croisière (CLIA). Dans un long entretien accordé en exclusivité à Mer et Marine, il revient sur la situation du secteur, ses perspectives et les défis à relever.

 MER ET MARINE : Vous êtes président de CLIA Monde depuis janvier 2020. C’est la première fois qu’un Européen est nommé à ce poste, habituellement occupé par des Américains. Faut-il y voir la reconnaissance du développement de la croisière en Europe et le poids croissant d’acteurs européens, comme MSC, dans cette industrie ?

 PIERFRANCESCO VAGO : Je pense qu’après avoir assuré la présidence de CLIA Europe, le fait d’avoir été nommé à la tête de CLIA Monde est avant tout une reconnaissance de la place de plus en plus importante que prend l’Europe dans le secteur de la croisière mais aussi du travail accompli par MSC comme armateur, d’abord dans le monde du shipping avec les cargos, puis dans la croisière où nous avons connu une croissance considérable ces dernières années. C’est une compagnie familiale qui a une vision globale unique dans notre industrie. Elle contribue notamment au développement de la croisière en Europe et, en ce sens, le fait que CLIA confie sa présidence mondiale à un Européen est un signal. Et aussi une reconnaissance du fait que l’Europe joue un rôle majeur dans l’industrie de la croisière. C’est en effet l’un des plus importants marchés au monde et c’est là que sont construits plus de 80% des navires de croisière, générant de nombreux emplois et un impact économique très fort. Le moment était donc venu pour l’Europe de prendre une place de premier plan dans les instances représentatives de notre industrie à l’échelle internationale. Mais vous avez aussi pris vos fonctions au pire moment, quand éclatait la pire crise de l’histoire de la croisière.

 

 N’est-ce pas, finalement, un « cadeau » empoisonné ?

Ce genre de nomination ne se décide pas à la dernière minute, le processus était engagé avant que le covid-19 apparaisse. La pandémie a ensuite explosé dans le monde au début de mon mandat, c’est une période inédite, difficile. Les responsabilités qui m’ont été confiées n’en sont que plus importantes, surtout qu’au-delà de la pandémie, nous avons aussi un enjeu majeur avec l’accélération de l’agenda sur les questions environnementales. Depuis mars 2020, la quasi-totalité de la flotte mondiale de paquebots est à l’arrêt à cause de la crise sanitaire. Il y a cependant beaucoup d’espoir pour un retour de l’activité cet été

 

. Comment voyez-vous cette reprise ? Quelles régions devraient reprendre en premier ?

La pandémie a entrainé il y a un peu plus d’un an un arrêt volontaire de la part de l’industrie de la croisière. Depuis, nous avons eu une approche de reprise graduelle et maîtrisée de l’activité. Elle a commencé à reprendre dès l’été 2020 et, depuis, nous avons pu accueillir dans le monde plus de 500.000 passagers. Nous avons pu repartir grâce à la mise en place de protocoles sanitaires extrêmement stricts, qui ont évolué au fil des mois en fonction de la situation et des connaissances acquises sur la maladie. Tout cela a été pensé avec des experts du monde médical et en étroite collaboration avec les autorités des pays concernés. Nous sommes aujourd’hui dans une approche phasée, nous avons identifié des régions et des itinéraires permettant la reprise pour chaque marché et nous allons assister à une montée en puissance progressive. L’Italie a déjà repris, de même que les Canaries, alors que des pays comme la Grèce, Israël, la Croatie ou encore Chypre encouragent la reprise des voyages touristiques. Les croisières au Royaume-Uni, en Espagne et en Allemagne vont également reprendre cet été, avec des modalités spécifiques pour certains pays, comme le Royaume-Uni où il n’est pour l’instant prévu que des croisières autour des îles britanniques avec une clientèle exclusivement nationale. En France, l’activité reprendra ainsi à compter du 30 juin, date à laquelle les croisières seront de nouveaux autorisées au départ ou à destination des ports français.   Nous avons donc l’espoir d’une belle reprise cet été et l’hiver pourrait également être très intéressant, surtout si les vols internationaux reprennent normalement. Nous constatons un grand intérêt pour la Méditerranée mais aussi des régions comme le Moyen-Orient, où de nouvelles destinations seront ouvertes, par exemple des croisières au départ d’Arabie saoudite. Quand espérez-vous un retour à la normale. Pas avant le printemps 2022 on imagine ? 2022 est un objectif raisonnable. Ce qui est en tous cas très rassurant et enthousiasmant c’est la confiance des passagers dans le fait que 2022 sera une année normale. On le mesure très clairement au travers des nombreuses réservations que nous enregistrons pour l’année prochaine.

 

 Avec l’apparition régulière de nouveaux variants du Covid-19, pensez-vous que la vaccination va devenir obligatoire pour les passagers ?

On voit que l’industrie pharmaceutique travaille sur des évolutions très prometteuses des vaccins permettant de tenir compte des variants. De la même manière, nous sommes prêts à faire évoluer si besoin nos protocoles sanitaires, qui ont prouvé leur robustesse et leur efficacité pour manager le risque. Les vaccins changent la donne contre la pandémie, c’est une évidence et de plus en plus…